La cerise sur le gâteau

Si le thorium est si prometteur, pourquoi la France ne le fait pas ?

En novembre, le CEA a publié un article sur son site pour expliquer aux jeunes l’essentiel sur… une filière nucléaire au thorium.

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Cet article entre directement dans le vif du sujet :

« le développement de réacteurs utilisant le thorium ne présente pas d’intérêt technico-économique sur le court ou le moyen terme ».

Et si c’est le CEA qui le dit, ils ont forcément raison. Donc voilà, pour tous les jeunes qui voyaient un nouvel espoir pour le climat et l’industrie nucléaire française, le débat est clos.

Mais attendez, lisons jusqu’au bout :

« LE THORIUM EST ENVIRON QUATRE FOIS PLUS ABONDANT QUE L’URANIUM »

– oui, effectivement.

« POUR AMORCER UN RÉACTEUR AU THORIUM, IL FAUT DE L’URANIUM »

– ouais, ou bien du plutonium, ou un mélange d’actinides mineurs.

« L’UTILISATION DU THORIUM REQUERRAIT DEUX FILIÈRES DISTINCTES »

– ah bon ? Attendez, qu’est-ce qu’ils disent là ?

« Le retraitement des combustibles usés au thorium … nécessite le développement … d’un procédé spécifique (procédé thorex) »

Ah oui ! mais ils parlent des combustibles SOLIDES !!! c’est ça en fait, la traduction de « sur le court ou le moyen terme ». Et il faut aller jusqu’à la dernière phrase du dernier paragraphe pour lire que :

« Le développement de réacteurs à sel fondu utilisant du thorium est étudié par le CNRS. »

Pas par le CEA ! Dommage, car c’est bien la transition de combustibles solides à des combustibles LIQUIDES qui peut amener une véritable révolution dans l’industrie nucléaire.

Cerise

Il est vrai que le thorium n’est pas une panacée. On peut très bien faire fonctionner un réacteur à sels fondus avec de l’uranium, du plutonium ou même avec les « déchets » des réacteurs actuels.

Mais il est vrai aussi que le meilleur réacteur à sels fondus qu’on peut imaginer serait bien alimenté par du thorium.

Et c’est pour ça que les deux sont souvent cités ensemble. Mais la plupart des bénéfices viennent du changement d’état du combustible : solide –> liquide. Par exemple, dans un réacteur à sels fondus les produits de fission gazeux se séparent du combustible tout seuls. Ils forment des bulles dans le sel liquide et peuvent être extraits avec un bullage d’hélium – un principe démontré par le réacteur expérimental à sels fondus en 1965. Cet avantage considérable (comme d’autres) est impossible avec un combustible solide.

En tout cas, la France bénéficie d’une politique très claire sur les réacteurs à combustible liquide :

Peut pas

…qui est illustrée par cette courte vidéo (un extrait d’une vidéo SFEN sur les réacteurs de génération IV)

Hmmm. On comprend maintenant pourquoi dans l’article du CEA on parle d’un « intérêt potentiel à très long terme ».

Bien sûr qu’un réacteur comme ASTRID serait beaucoup plus durable qu’un réacteur à eau pressurisée, mais si l’énergie produite n’est pas moins chère que celle du charbon (et le gouvernement pense que « Il n’est cependant pas acquis aujourd’hui que les objectifs fixés puissent être atteints à un coût raisonnable.« ), il sera difficile de convaincre les gens, en France et à l’étranger, de faire le saut de fossile à fissile. La Chine et le Canada ont compris les avantages des réacteurs à sels fondus. Seront-ils les futurs rois de la #FissionLiquide ?

Maquette du réacteur ASTRID sur le stand CEA du World Nuclear Exhibition, Le Bourget, octobre 2014

Maquette du réacteur ASTRID sur le stand CEA du World Nuclear Exhibition, Le Bourget, octobre 2014

Il est vrai que la France a un grand retour d’expérience avec les réacteurs à combustible solide refroidis par l’eau ou le sodium. Il est vrai que développer une nouvelle technologie, très différente de l’actuelle, est quelque chose de difficile. Mais ce n’est pas parce que c’est difficile qu’il ne faut pas le faire.

Enlevons les oeillères – dans la quête d’une planète à l’énergie abondante et au climat stable, il faut investir dans les solutions à réel potentiel. Espérons que les jeunes seront plus ouverts à l’innovation que le CEA.