Démarrage en Chine

Le réacteur à sels fondus TMSR-LF1

« Votre plan de mise en service d’un réacteur expérimental à sels fondus […] est acceptable et est par la présente approuvé. »

C’est avec ces mots le 2 août 2022, que le ministère chinois de l’Écologie et de l’Environnement a autorisé le démarrage du réacteur TMSR-LF1 de 2 MWt sur le campus de Wuwei dans le province du Gansu.

Ce sera la première mise en service d’un réacteur à sels fondus depuis le réacteur expérimental MSRE au laboratoire national d’Oak Ridge aux États-Unis, qui a fonctionné avec succès entre 1965 et 1969.

Suite au lancement du programme de R&D TMSR par l’académie des sciences chinoise en janvier 2011, la construction de TMSR-LF1 a commencé en septembre 2018 et aurait été achevée en août 2021. Le prototype devait être achevé en 2024, mais les travaux ont été accélérés. Si ce prototype s’avère un succès, la Chine prévoit de construire un réacteur d’une capacité de 373 MWt d’ici 2030.

Image : SINAP, via World Nuclear News

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Question à Nicolas Hulot

A l’assemblée nationale, lors de la 2ème séance publique du 22 février 2018 (questions sur la stratégie de sortie du nucléaire), Benoit Potterie, député de la huitième conscription du Pas-de-Calais, a posé une question sur les réacteurs à sels fondus et le thorium à Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire :

Ci-après, la transcription de cet échange :

M. Benoit Potterie.

Le Gouvernement a annoncé un ensemble de mesures visant à préparer la sortie du nucléaire. Dans un contexte de croissance exponentielle des besoins énergétiques mondiaux, nous devons trouver et développer de nouvelles sources d’énergie.

Ma question concerne une source d’énergie peu connue, mais dont on parle de plus en plus dans les médias spécialisés : le thorium, et plus précisément, son utilisation dans des réacteurs nucléaires à sels fondus.

On connaît le thorium depuis le XIXsiècle. Marie Curie avait identifié ses propriétés radioactives en 1898. Pour différentes raisons, les États et les industriels ont privilégié les réacteurs à uranium. Mais aujourd’hui, le risque nucléaire et les traumatismes de Tchernobyl et Fukushima, ainsi que la complexité de la gestion des déchets nucléaires, nous incitent à nous détourner de l’uranium.

Selon Daniel Heuer, directeur de recherches au CNRS, les réacteurs à sels fondus utilisant le thorium seraient moins dangereux et moins sales que les réacteurs actuels, avec un rendement plus important. Cette technologie, vous en conviendrez, est très prometteuse. Elle l’est d’autant plus pour la France que notre pays possède du thorium en grande quantité. Un récent article, que je pourrai vous transmettre, affirme que nous en aurions suffisamment pour couvrir nos besoins énergétiques pendant deux siècles.

Le gouvernement chinois finance actuellement un projet de réacteurs à sels fondus dans le désert de Gobi, et les Pays-Bas ont développé un programme de recherche sur le sujet à Petten.

Je me permets donc de déplacer le débat de la sortie du nucléaire vers le recours à une technologie nucléaire plus propre – un nucléaire vert, en quelque sorte.

Bien sûr, la technologie des réacteurs à sels fondus ne fait pas l’unanimité dans la communauté scientifique. C’est pourquoi des phases de recherche et d’expérimentation sont nécessaires.

Ma question est donc la suivante : le Gouvernement entend-il, à moyen ou à court terme, renforcer la recherche dans ce domaine ?

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre d’État.

M. Nicolas Hulotministre d’État.

Pour être très honnête, j’en avais entendu parler mais je ne m’étais pas vraiment penché sur cette technologie, sur laquelle vous m’avez alerté bien avant ce débat.

Si ce que vous dites est totalement fondé, il faudrait alors construire une filière nouvelle, car la filière actuelle ne peut pas intégrer cette technologie.

Étant convaincu que la diversité des énergies renouvelables permettra de répondre largement à nos besoins énergétiques, je ne pense pas que ce soit la peine de s’engager dans cette voie.

Au-delà, les réacteurs à sels fondus utilisant du thorium pour la production d’électricité nucléaire présentent, vous l’avez dit, des avantages certains, notamment en raison de l’abondance de la ressource en thorium, de la facilité offerte d’un retraitement en continu du combustible liquide et d’une moindre production de déchets. Cela dit, ils présentent aussi des inconvénients en termes de démonstration de sûreté et en raison de l’impossibilité d’amorcer un cycle thorium sans disposer d’uranium 235 ou de plutonium, dans la mesure où le thorium n’est pas un matériau fissile.

En outre, la faisabilité industrielle d’un réacteur de puissance n’est pas démontrée, et les études demeurent jusqu’à présent, il faut bien le reconnaître, très conceptuelles. Comme vous l’avez évoqué, des expérimentations ont bien eu lieu dans les années 1950 aux États-Unis, mais la possibilité de passer à un réacteur de puissance n’a jamais été établie. Enfin, il n’existe pas d’étude comparative suffisamment étayée pour pouvoir juger de l’attractivité économique d’une telle source d’énergie.

En l’absence d’identification de bénéfices déterminants qui seraient apportés par le cycle thorium, mais aussi parce que la France dispose, je le répète, d’une réserve importante d’uranium appauvri qui pourrait permettre, le cas échéant, d’alimenter des réacteurs à neutrons rapides à combustible solide, dont la maturité technologique est bien plus élevée que celle des réacteurs fonctionnant sur le cycle thorium, l’opportunité de changer de cycle de combustible nucléaire à court terme n’est, de mon point de vue, pas démontrée.

Liens : source de la vidéo, source de la transcription

Voir aussi : DGEC – Réacteur à neutrons rapides et à sels fondus et cycle thorium

2016, une année importante pour la fission liquide

Voici quelques moments forts de l’année 2016, avec des liens à cliquer :

Janvier

Février

Mars

Avril

Mai

Juin

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  • Vidéo interactive de Terrestrial Energy d’une centrale IMSR.

Juillet

Août

Septembre

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Octobre

Novembre

Décembre

  • Dans un entretien avec le magazine Rolling Stone, Sting déclare « Si on va s’attaquer au réchauffement climatique, le nucléaire est la seule façon de créer des quantités massives d’énergie ».
  • Mise à jour du rapport de Third Way Energy sur le nucléaire avancé en Amérique du nord.
  • David Leblanc de Terrestrial Energy reçoit le prix de l’innovation de la Organization of Canadian Nuclear Industries pour le réacteur à sels fondus IMSR.

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Un saut quantique

Vous l’avez vu ?

Avec « Thorium – la face gâchée du nucléaire« , Myriam Tonelotto signe un saut quantique dans la qualité du récit de l’histoire de la fission liquide.Thorium LFGDN.jpg

Tourné dans 9 pays et sur 3 continents, le fruit d’un travail de 4 ans avec un budget de 670 000 Euros, ce film est le regard d’une anti-nucléaire sur ce que l’énergie nucléaire aurait pu être, si elle avait été pensée pour nous, les civils, pour l’environnement, pour le futur. Il a séduit Arte, au point de convaincre la chaîne de diffuser ce soir en France et en Allemagne un documentaire pro-nucléaire. ÉNORME.

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A travers les animations de Jérôme Jouvray, Myriam Tonelotto fait une interview « post-mortem » du physicien Alvin Weinberg, qui commente son autobiographie « La première ère nucléaire« . Elle montre que la deuxième ère nucléaire imaginée par Weinberg est bel et bien en train de démarrer, avec des projets sérieux pour le développement des réacteurs à combustible liquide à base de sels fondus.

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En parallèle se construit une métaphore autour d’un « poker nucléaire » : ce jeu où nos chances d’une énergie sûre, gérable en terme de déchets et incomparable dans sa capacité à épauler la montée en puissance des renouvelables, ont été sacrifiées sur l’autel des intérêts militaristes, industriels et politiques.

Les producteurs du film Nina et Denis Robert ont expliqué lors de la première à Strasbourg les difficultés rencontrées pour obtenir le financement, avec ce sujet vraiment hors du commun.

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L’équipe de production, à la première le 14 septembre 2016, à Strasbourg. De gauche à droite: Patrice Schumacher, Luc Tharin, Nina Robert, Denis Robert, Philippe Muller, Françoise Schöller, Myriam Tonelotto

La projection à Strasbourg a été suivie par un panel de discussion. Le PDG de Terrestrial Energy Simon Irish a annoncé qu’une demande est en cours auprès du Département de l’Énergie des États-Unis pour une garantie de prêt de 800 à 1200 millions de dollars pour  l’accréditation, la construction et la mise au point d’un Réacteur Intégral à Sels Fondus.

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Le panel de discussion après la première à Strasbourg. De gauche à droite : Françoise Schöller, Daniel Heuer, Simon Irish, Geneviève Lecoq, Félix Gomez, Myriam Tonelotto

D’autres déclinaisons du film seront diffusées par la télévision nationale Suisse (RTS), Suédoise (SVT), Irlandaise (TG4), Japonaise (NHK) ainsi qu’une version « régionalisée » sur toutes les chaînes France 3 du Nord-Est.

Vous ne l’avez pas encore vu ?

Après 176361 vues en replay sur le site d’Arte, « Thorium – la face gâchée du nucléaire » est disponible à voir et à revoir sur YouTube

Arte ! Ne gâchez pas le thorium !

Un film sur le thorium par Arte ? Que vont-ils nous raconter ?

Arte diffusera mardi 20 septembre un film documentaire de 1h30 avec le titre « Thorium – la face gâchée du nucléaire »

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Y a-t-il une chaîne de télévision européenne avec une position anti-nucléaire plus forte qu’Arte ? Pas sûr. Parmi les diffusions récentes, on peut citer la série de documentaires « Tchernobyl, 30 ans après » ou « Que faire de nos déchets nucléaires ? » ou encore « Terres nucléaires, une histoire du plutonium » qui dramatisent les problèmes d’une industrie nucléaire qui par ailleurs produit chaque année des milliards de kilowatt heures d’énergie fiable et relativement bon marché, avec un impact minimal sur l’environnement. Jouer avec les émotions des téléspectateurs pour créer de la peur, est-ce vraiment une politique responsable ?

En 2013 Robert Stone, un anti-nucléaire devenu éco-moderniste, a proposé à Arte de diffuser son film La Promesse de Pandore qui présente l’énergie nucléaire d’un point de vue positif, comme un outil à la disposition des humains pour combattre le réchauffement climatique et relancer la prospérité, un espoir pour le futur.

Vous ne l’avez pas vu ? Le réalisateur explique dans la vidéo ci-dessous que la controverse autour de la sortie de ce film a été tellement forte que :« Arte, qui me soutient depuis que j’étais un jeune cinéaste d’une vingtaine d’années, m’avait confié qu’ils n’étaient pas prêts à diffuser mon film »

Et pourtant …

Le dossier de presse pour ce nouveau documentaire présente le thorium dans une lumière assez positive : « Une énergie nucléaire verte », « une piste sérieuse »

La bande annonce évoque Alvin Weinberg, les réacteurs à sels fondus et l’atome vert :

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Cliquer pour regarder la bande annonce

Les avantages de faire la fission nucléaire dans un liquide, avec un cycle de combustible au thorium, ont-ils séduit Arte et provoqué un changement de politique ? Ou l’objectif de ce documentaire serait-il de freiner le mouvement mondial autour du thorium ? Ont-ils compris que la valeur de cette technologie est surtout dans l’état liquide et la chimie du combustible ? Comment sera racontée l’histoire ?

Même si Arte diffuse ce film en tête d’affiche d’une soirée appelée « Nucléaire : des lendemains rayonnants ? » avec d’autres films clairement anti-nucléaires  (Océans Poubelles, La Supplication), un documentaire Arte est toujours une émission de qualité – ce sera le grand événement de la rentrée 2016 ! À voir absolument !

La diffusion sur Arte mardi 20 septembre à 20h55 sera suivie d’un entretien avec Philippe Lamberts, Eurodéputé et Président du parti écologiste «Écolo» au Parlement Européen. Pour ceux qui sont pressés de voir ce film, des séances en avant-première auront lieu au cinéma Comœdia à Lyon, samedi 10 septembre, et à l’UGC Ciné-Cité à Strasbourg, mercredi 14 septembre.

Alors quel sera le verdict Arte ? Promouvoir ou gâcher le thorium ?

Pourquoi le nom de ce blog a changé

Depuis mai 2012, le blog « Energie du Thorium » a permis aux francophones de suivre la croissance du mouvement mondial en faveur du thorium et des réacteurs à sels fondus.

Après 75 articles, Energie du Thorium devient « Fission Liquide ». Changer le nom d’un blog n’est pas une mince affaire – alors pourquoi le faire ?

En soi, promouvoir l’utilisation du thorium en tant que source d’énergie est tout à fait louable. Il est 3 à 4 fois plus abondant dans la croûte terrestre que l’uranium, il est bon marché, son cycle de combustible produit moins de déchets problématiques comme le plutonium. Dans le futur, les humains auront besoin du thorium.

Mais sans une machine pour extraire son énergie, le thorium est inutile. Comme pour tout système d’énergie, la machine est plus importante que son combustible. Ce n’est pas la découverte du charbon qui a été à l’origine de la révolution industrielle. C’est l’invention par James Watt d’une machine à vapeur qui fournissait de l’énergie moins chère que les autres sources d’énergie disponibles à l’époque, comme la force des bêtes ou les moulins à eau et à vent.

De la même manière, la première ère nucléaire n’a pas commencé en 1789 avec la découverte de l’uranium. Elle a commencé à Chicago en décembre 1942 avec la première réaction en chaîne artificielle.

Primaire de Los Alamos

L’humanité était alors en plein milieu de la plus grande guerre de son histoire, et le projet Manhattan a été rapidement mis en place pour fabriquer des armes nucléaires. En 1943 les nouveaux arrivants au Laboratoire national de Los Alamos ont été présentés avec un court précis technique, le « Los Alamos Primer » qui illustrait avec des croquis comment fabriquer une bombe à fission et les différents concepts en étude.

Ces concepts ont un point en commun – ils utilisent tous de la matière fissile solide. Fabriquer cette matière était la priorité numéro un du projet Manhattan. Les dépenses du projet au 1er octobre 1945 étaient de 1,845 milliard de dollars, dont plus de 90 % furent consacrés à la construction des usines et à la production des matières fissiles tandis que le développement et la production des armes ne représenta que 10 % du total.

 

Avec la fin de la guerre en 1945, une nouvelle question se posait : comment utiliser les connaissances acquises et les technologies développées à travers cette dépense militaire énorme, pour le bénéfice de l’humanité ?

Mauvaise question.

Certains experts du projet Manhattan comme Eugene Wigner et Alvin Weinberg ont protesté qu’une machine pour produire une énergie nucléaire fiable, sûre, propre, durable et bon marché devait davantage profiter des techniques de la chimie, lesquelles nécessitent l’utilisation de combustibles liquides. Protestations futiles –  l’inertie des humains et des capitaux a entrainé l’humanité sur le chemin de la fission solide pour sa production d’énergie nucléaire.

En 2016 tous les systèmes d’énergie nucléaire en service utilisent des combustibles solides. Dans le conflit économique qui oppose fossile et fissile, le climat est pris en otage et l’énergie fissile se fait lentement massacrer. Pour réaliser tout son potentiel dans la lutte contre le réchauffement climatique et dans la relance de la prospérité humaine, la fission nucléaire doit être moins chère que le charbon.

Toutes les technologies ont un seuil de coût minimum, qui émerge après d’importants efforts d’ingénierie. Un changement technologique fondamental est la seule manière de baisser ce seuil.

Le seuil de coût de la fission solide a augmenté en raison de changements réglementaires, certains légitimes, d’autres dus à l’hystérie, mais tous sont encouragés par l’industrie des combustibles fossiles. Ce seuil semble se stabiliser un peu au delà de celui des énergies fossiles.

Pour la fission liquide, le seuil de coût bénéficie de plusieurs avantages importants. Premier sur la liste est la possibilité d’un nouveau dialogue avec les autorités de sûreté concernant les produits de fission : les isotopes dangereux sont confinés chimiquement dans le combustible sous forme de sels liquides, dès qu’ils sont produits, ce qui élimine un danger qui fait peur à tout le monde (à un degré plus ou moins important) – la fuite de gaz radioactifs dans l’atmosphère. Le résultat de plusieurs estimations crédibles est que le seuil de coût pourrait être moins cher que les combustibles fossiles. C’est une très, très grosse affaire.

La fission liquide, c’est rompre avec le passé militaire de la technologie nucléaire, c’est travailler sur l’élimination intrinsèque des dangers, c’est mettre le marché avant la technologie et les études économiques avant les études neutroniques, c’est repositionner la fission à l’interface de la physique et de la chimie, c’est la possibilité de résoudre des décennies de conflit entre les groupes pro- et anti-nucléaire.

C’est répondre à la bonne question, qui aurait dû être posée en 1945 : pour la prospérité des humains et la protection de l’environnement, quelle est la meilleure technologie possible pour exploiter l’énergie de la fission nucléaire ?

La fission liquide est une famille de technologies qui ont des combustibles nucléaires à l’état liquide. Certaines branches de cette famille utilisent le thorium comme source d’énergie et d’autres utilisent l’uranium. Alors même que le meilleur réacteur à sels fondus imaginable serait alimenté par du thorium, il y a de nombreuses voies pour arriver à ce but ultime. Le thorium n’est pas une panacée – les bénéfices d’un combustible liquide sont bien plus importants que les bénéfices du thorium versus l’uranium.

Quand l’humanité aura maitrisé la fission liquide, le thorium sera la cerise sur le gâteau. Il faut cuire le gâteau avant de poser la cerise !

Cerise

Voilà pourquoi il est devenu nécessaire de changer le nom de ce blog. Si vous êtes venu pour le thorium, restez pour le réacteur. L’aventure continue sur le domaine fissionliquide.fr et sur Facebook et Twitter.

Le nucléaire est dans son enfance

Dans une salle de squash abandonnée, sous les gradins du stade de football américain de l’université de Chicago, le 2 décembre 1942 l’humanité a donné naissance à la fission nucléaire.

Les jeunes parents humains de cet enfant tout puissant vivaient en période de guerre. Impressionnés par sa force, à peine sortie de son oeuf ils l’ont envoyé faire son service militaire – l’énergie nucléaire est devenue un enfant soldat à l’âge de deux ans et demi.

On est ce qu’on mange

Les humains sont de l’espèce homo sapiens. Pour s’alimenter ils ont eu l’habitude depuis 200 000 ans de cueillir ce qu’ils trouvaient dans la nature, puis de rejeter les déchets de leur système digestif dans la nature.

Remarquant que leur nouvel enfant avait un goût prononcé pour un isotope rare d’uranium fissile, et à la demande des militaires, les heureux parents ont tout de suite diversifié avec de la nourriture solide. L’énergie nucléaire a donc mangé dès le début un régime de pastilles solides d’oxyde d’uranium, selon une recette de préparation spéciale. Mais les humains étaient désagréablement surpris de trouver que ce qui sortait du système digestif de cet enfant était particulièrement toxique.

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Dès sa démobilisation en 1945, les parents de cette jeune énergie ont voulu qu’elle fasse une contribution positive à la société. Ils l’ont donc envoyée à la prestigieuse École des Énergies, pour apprendre à côté des autres énergies comment contribuer à la prospérité de l’humanité et à la protection de l’environnement.

Le nucléaire à l’École des Énergies

Quand ils ont compris l’énorme potentiel de cet enfant, les professeurs de cette école l’ont accueilli à bras ouverts. En particulier, il est rapidement devenu le chouchou des profs de physique, qui lui ont montré des dizaines de filières différentes pour grandir et réaliser son potentiel, à tel point que les autres élèves comme le gaz ou le charbon étaient jaloux et ont commencé une longue campagne de harcèlement contre lui, dans la cour de récréation qui est le marché mondial de l’énergie. Il semblerait que le harcèlement est permis à l’école des énergies, car ni profs ni parents ne sont intervenus pour l’arrêter.

Mais suite à des cours d’ingénierie où il a appris l’importance de la simplicité de conception et l’utilisation des connaissances acquises, une orientation principale a été choisie pour ce jeune – celle du Réacteur à Eau Pressurisée. Il a donc continué avec son régime de nourriture solide, et à l’âge de 73 ans il porte toujours des couches pour confiner ses déchets toxiques et éviter leur dispersion dans l’envionnement où ils seraient dangereux pour les humains et l’environnement.

Accident de couche

En de rares occasions où il y a eu des accidents de couche à l’école, les autres énergies en ont profité pour harceler encore plus et humilier le jeune élève – au point que même ses parents ont commencé à avoir des doutes en lui. Avec sa confiance mise à mal, ses résultats scolaires, d’abord prometteurs, ont commencé à décrocher.

Consommation nucléaire

Même si cet enfant produit 32% de notre énergie propre, il se révèle un peu fragile. Peut-être faut-il retirer son argent de poche pour le donner aux énergies renouvelables ou à son petit frère la fusion nucléaire ?

Les frais de scolarité à l’École des Énergies sont élevés, et il est en difficulté. Faut-il arrêter son parcours ? (après 73 ans, on parle d’une technologie mature, non ?)

Certains pensent que c’est un enfant du diable et qu’il faut l’abandonner ou même le tuer !

baby

Non.

Le problème n’est pas l’énergie nucléaire – c’est nous, ses parents.

Quand un de nos enfants humains est en difficulté scolaire, on le punit ou on le soutient ? Quand il cherche sa voie pour faire un métier utile, on l’abandonne ou on l’oriente ?  En cas d’accident ou maladie, on le critique ou on l’aide à se soigner ? On se plaint de ce qu’il nous coûte ou on admire son potentiel ?

Un enfant est ce qu’il y a de plus précieux au monde et nous sommes coupables d’une grosse négligence parentale à l’encontre de cet enfant nucléaire. Certes, sa date de naissance n’était pas fortuite – sa carrière militaire courte a forcément laissé quelques troubles psychologiques – mais il a appris sa leçon :

Bombe et centrale smileys

Energie nucléaire : bonne. Arme nucléaire : mauvaise

La fission nucléaire est tout sauf une technologie mature. Les humains ont commencé à exploiter le charbon il y a 500 ans mais sa consommation continue à croître aujourd’hui. Le Réacteur à Eau Pressurisée est une technologie avec une certaine maturité mais qui est loin d’être en fin de vie. Il y a des centaines d’autres façons de produire de l’énergie avec la fission nucléaire – pour l’instant nous n’avons exploré en profondeur qu’un seul chemin.

Le nucléaire est dans son enfance – son potentiel pour apporter énergie et prospérité aux humains reste énorme. Nous lui avons donné la vie, nous devons le soutenir et l’aider à grandir.

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La première chose à changer est son alimentation. Un régime de nourriture liquide à base de sels fondus peut l’aider à mieux digérer, pour nous donner moins de problèmes avec ses déchets. Diversifier avec du thorium pourrait être une option intéressante aussi. Ensuite nous devons soutenir et renforcer sa scolarité, le protéger du harcèlement, et compléter son education avec des études de chimie, d’architecture, de méthodes et d’économie. Ces changements marqueront le début d’une deuxième ère nucléaire.

Pour accélérer notre transition énergétique, le problème n’est pas l’énergie nucléaire – c’est nous.

Sources des images : 1, 2, 3 (remerciements à M. Shellenberger pour l’idée), 4, 5.

UK flag Cet article est disponible en anglais ici.

Joyeux anniversaire, MSRE !

Cette semaine un atelier au Laboratoire national d’Oak Ridge aux États-Unis a marqué le plus grand et le plus important rassemblement à ce jour des personnes qui travaillent pour donner vie à la technologie des Réacteurs à Sels Fondus (RSF).

Photo : John Kutsch

Photo : John Kutsch

Les objectifs de l’atelier étaient :

  1. Commémorer et saluer le 50e anniversaire de l’année de mise en service du réacteur expérimental à sels fondus (en anglais : molten salt reactor experiment, MSRE), revenir sur les opérations réussies.
  2. Créer un forum pour le partage des informations et de l’état d’avancement de plusieurs initiatives et programmes de R&D liées aux RSF, ainsi que des collaborations internationales qui se sont développées récemment avec l’émergence du regain d’intérêt pour les RSF.

Le réacteur MSRE a fonctionné entre juin 1965 et décembre 1969. Avec un combustible liquide composé de sels de fluorure, il a démontré la faisabilité d’une technologie de fission nucléaire intrinsèquement sûre, qui aurait la possibilité d’être compétitive en coûts avec les combustibles fossiles. Certains membres de ce programme étaient présents à l’atelier, et applaudis pour leur énorme accomplissement.

Un site internet a été créé pour l’atelier, avec l’ordre du jour, les participants, les présentations, photos et vidéos. Un fil Twitter a été alimenté en direct par le compte @MSRAssociation, avec une excellente synthèse et des photos.

Présentations ORNL

Les jeunes entreprises à l’oeuvre sur le développement de cette technologie ont présenté l’avancement de leurs travaux, y compris Flibe Energy, Moltex Energy, Terrestrial Energy, et Thorcon Power.

Steve Kuczynski, le PDG de Southern Nuclear, une des plus grandes entreprises d’exploitation de centrales nucléaires aux Etats-Unis a dit qu’il croyait au profil de sécurité plus sûr et aux coûts de construction moins élevés des réacteurs à sels fondus.

Et il y a plusieurs nouveaux entrants sur la liste des entreprises qui travaillent sur la fission liquide. Jeff Latkowski, directeur de l’innovation chez Terrapower, l’entreprise financé par Bill Gates, a révélé qu’ils travaillent depuis 3 ans sur le développement d’un réacteur rapide à base de sels de chlorure. Terrapower a soumis une demande de financement au Département de l’Énergie des États-Unis pour avancer ce concept. Latkowski s’est dit soulagé de pouvoir enfin en parler en public. L’entreprise d’ingénierie canadienne Hatch a également présenté un nouveau concept sur lequel leurs équipes travaillent.

Il y avait meme une présentation par la commission de réglementation nucléaire des États-Unis, qui est critiquée par la communauté des réacteurs à sels fondus pour sa politique technique actuelle, qui permet uniquement l’exploitation des réacteurs à eau pressurisée sur le sol américain.

Mais c’est en Chine que l’avancement est le plus marqué.

Parmi les présentateurs était Hongjie Xu, directeur à l’Institut de Physique Appliquée de Shanghai (SINAP) du programme TMSR (Thorium Molten Salt Reactor). Xu a présenté une feuille de route qui montre que la Chine a le programme de R&D le plus avancé au monde pour cette technologie. Il a détaillé un plan en plusieurs étapes pour construire des réacteurs de démonstration dans les cinq prochaines années, avec un déploiement commercial autour de 2030. L’Institut prévoit de construire un prototype de réacteur de 10 mégawatts avec un combustible solide, ainsi qu’un réacteur à combustible liquide de 2 mégawatts qui permettra de démontrer le cycle du combustible thorium-uranium, d’ici 2020.

Hongjie Xu à Oak Ridge, le 15 octobre 2015

Hongjie Xu à Oak Ridge, le 15 octobre 2015.

Un site a été retenu pour ces réacteurs à DAFENG (大丰市), à 300km au nord de Shanghai, avec l’accord de la province de Jiangsu et un accord de principe de l’autorité de sécurité nucléaire chinois, le NNSA.

700 ingénieurs nucléaires travaillent sur les réacteurs à sels fondus au SINAP, a dit Xu, un nombre qui dépasse de loin les autres programmes de recherche de réacteurs avancés à travers le monde. La recherche est financée jusqu’en 2017, dit-il; au-delà de cette date l’Institut est à la recherche de nouveaux fonds du gouvernement central, du gouvernement de Shanghai, et du secteur privé. SINAP a signé récemment un accord avec le groupe Fangda, un conglomérat chinois de grande envergure qui fabrique des produits de carbone, fer et acier, et des produits chimiques, pour aider à développer les liquides de refroidissement à sels fondus pour les réacteurs.

« Je suis très confiant » que SINAP sera en mesure de porter son programme de réacteurs à sels fondus jusqu’à la commercialisation, dit Xu. « Parce que, en général, le gouvernement chinois a l’intention de soutenir le développement des futures technologies pour l’énergie nucléaire. Et le marché chinois est très grand pour ces technologies ».

Cet atelier a été jugé tellement utile par les participants qu’il pourrait devenir un événement annuel à Oak Ridge. Vivement les 51 ans du MSRE !

Voir aussi :

  • Photos historiques du réacteur expérimental à sels fondus
  • Brochure sur le réacteur experimental à sels fondus
  • Article ORNL sur l’atelier d’anniversaire de 50 ans du réacteur MSRE

Certains textes de cet article ont été traduits de celui de Richard Martin, publié sur le site internet du MIT Technology Review.

Conférence à l’école des mines

L’association Intermines des anciens de l’école des mines organise, mardi 23 juin 2015, une conférence-débat sur les « Réacteurs nucléaires à sels fondus de thorium« ,

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…pour faire le point sur :

  • les particularités, les avantages et inconvénients des combustibles liquides et du cycle thorium
  • les avancées récentes concernant le MSFR (Molten Salt Fast Reactor) et la convergence avec les réacteurs de 4e génération
  • les besoins en R&D
  • les projets en cours en France et à l’international

Avec des interventions de Daniel HEUER, Directeur de recherche au CNRS affecté au LPSC (Laboratoire de Physique Subatomique et de Cosmologie) de Grenoble, spécialiste des réacteurs à combustibles liquides et de la filière thorium, et d’Alain GERBER, Ingénieur ECAM Lyon qui travaille depuis 1998 dans l’ingénierie nucléaire AREVA, essentiellement dans la 4e génération : SFR, VHTR et sur MSFR (Molten Salt Fast Reactor), cette conférence-débat de 2 heures commencera à 18h30, dans un amphithéâtre de l’école des Mines de Paris, 60 boulevard Saint Michel, 75006 Paris

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Elle est gratuite pour les cotisants de l’association et les étudiants, et au tarif de 15€ pour les non-cotisants et les extérieurs. Inscrivez-vous en ligne, ici !

Merci Dr. Kloosterman

Grand succès pour le symposium organisé à TU Delft hier par le professeur Jan Leen Kloosterman sur le thorium dans les réacteurs à sels fondus.

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Jan Leen Kloosterman ouvre le symposium à Delft avec une présentation sur le thorium dans les réacteurs à sels fondus

La participation a dépassé toutes les attentes avec 365 personnes. Il a été nécessaire de changer de salle et prendre le grand auditorium du centre de conférences Aula de l’université technique de Delft.

365 personnes ont assisté au symposium

365 personnes ont assisté au symposium

Le symposium a été l’occasion d’annoncer un nouveau programme de recherche européen – SAMOFAR (Acronym anglais : Safety Assessment of a MOlten salt FAst Reactor – évaluation de la sécurité d’un réacteur rapide à sels fondus). La commission européenne a alloué plus de 3 millions d’euros à ce programme qui démarre en août 2015 avec une durée de 4 ans.

SAMOFAR

Des fonds européens pour la recherche sur les réacteurs à sels fondus – très bonne nouvelle !

L’objectif de SAMOFAR est de prouver les concepts innovants de sécurité de la MSFR par des techniques expérimentales et numériques de pointe, de livrer une percée dans la sûreté nucléaire et la gestion optimale des déchets, et de créer un consortium d’intervenants. Le consortium SAMOFAR se compose de 11 participants. Les partenaires scientifiques sont TU-Delft, CNRS, CCR-ITU, CERTAINS, PSI et CINVESTAV. Les partenaires industriels sont Areva, CEA, EDF, KIT et l’IRSN. TU Delft dirige le programme SAMOFAR, et Jan Leen Kloosterman a été au coeur des efforts d’obtention des fonds européens. Merci Dr Kloosterman pour tous ces efforts, pour votre accueil chaleureux à Delft, et pour ce magnifique symposium qui était une étape importante dans la construction de la communauté internationale de la fission liquide.