Accord Areva – Solvay pour valoriser le thorium

Mardi 29 octobre 2013, à la conférence ThEC13 au CERN à Genève, Areva et Solvay ont annoncé un nouvel accord pour réunir leur savoir-faire et ajouter de la valeur à tout le cycle de vie du thorium.

Annonce Accord Areva Solvay Thorium

Thierry Delloye (à gauche) et Luc Van Den Durpel annoncent l’accord Areva – Solvay à la conférence ThEC13, dans le globe de la science et de l’innovation au CERN

 

Ce programme collaboratif a pour objectifs:

  • De résoudre les questions sur les résidus de thorium issus de la filière d’exploitation des terres rares dans le passé et aujourd’hui.
  • De fournir une argumentation industriellement robuste pour la valorisation du thorium pour la production d’énergie nucléaire, dans le moyen terme.
  • De fournir des options de meilleur niveau pour la gestion des stocks de thorium, en attendant cette valorisation dans le moyen terme.

Un programme de recherche et développement sera mis en place avec des partenaires internationaux, axé sur une première phase de développement de combustible avec irradiation à l’horizon 2020.

Dans la présentation à la conférence, que vous trouverez sur YouTube ici, avec les diapositives en format .pdf ici, Luc Van Den Durpel d’Areva a toutefois signalé qu’il faut « démystifier » l’histoire du cycle de combustible au thorium, et que la transition vers l’exploitation de cet élément prendra du temps (« >100 ans » selon la page 6, ou « au moins des décennies » selon la page 24).

La stratégie est axée sur l’exploitation du thorium dans les combustibles solides, mais Areva reconnait la possibilité d’utiliser le thorium « à plus long terme » dans les systèmes de génération 4 (voire plus), par exemple MSR (Molten Salt Reactor), ADS (Accelerator Driven System), LFTR (Liquid Fluoride Thorium Reactor).

Solvay - Areva

Un point très positif de cet accord est la possibilité pour ces deux géants industriels d’exploiter dans le futur les synergies offertes par un positionnement de la fission nucléaire à l’interface entre la physique et la chimie.

Photo : John Laurie

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La réserve française de thorium

La France possède assez de thorium pour fournir ses besoins en électricité pendant 190 ans.

Carte France Thorium

L’autorité de sûreté nucléaire française (ASN) a publié le 25 avril 2013 la version 2013-2015 du plan national de gestion des matières et déchets radioactives (PNGMDR).

Le Rapport complet est un document de 229 pages. Sur la page 76, on retrouve un tableau de synthèse des matières valorisables, qui donne les quantités que possède la France et le statut de la valorisation associée.

Tableau PNGMDR 2013-2015

Sur la page 79, il y a un paragraphe sur le thorium :

AREVA, le CEA et Rhodia sont propriétaires d’environ 8 500 tonnes de thorium, sous forme de nitrate et d’hydroxyde. Ces matières sont entreposées sur les sites de La Rochelle (environ 6 200 tonnes) et de Cadarache (environ 2 300 tonnes).

En effet dans les années 60 à Cadarache, il y avait une exploitation de minerai urano-thoranite pour extraire de l’uranium. L’uranium a été valorisé et le thorium a été laissé en sous-produit.

A La Rochelle dans les années 70, Rhodia a commencé le traitement d’un minerai monazite, avec un contenu en thorium de 6 à 7%, pour extraire les matières terres rares. Ces métaux ont une importance stratégique pour l’économie mondiale, le marché étant controlé presque exclusivement par la Chine. Le traitement a continué jusqu’à 1994, date de fin d’exploitation de la monazite à La Rochelle.

Le thorium est un élément fertile avec une densité d’énergie énorme, qui a une abondance dans la croûte terrestre équivalente au plomb. Il est converti en uranium 233 par l’absorption d’un neutron. La fission d’un seul atome d’uranium 233 produit 200,1 Méga électron Volts (MeV). Mais ce n’est pas au thorium en soi auquel il faut s’intéresser si on veut exploiter cette énergie – après tout, la fission d’uranium 235 produit 202,5MeV, et celle du plutonium 239, 211,5MeV. Notre attention devrait se focaliser sur le système d’énergie nucléaire qui est souvent associé au cycle de combustible au thorium.

Le secret est dans l’état du combustible. Les réacteurs qui fonctionnent aujourd’hui utilisent tous un combustible solide, et ils sont très, très inefficaces. Avec un combustible LIQUIDE, presque 100% de la matière peut être transformée pour libérer de l’énergie.

Un réacteur à sels fondus fonctionne à pression ambiante, ce qui simplifie considérablement sa conception et réduit son coût.  La haute température de fonctionnement permet de transformer entre 45 et 50% de l’énergie de fission en électricité, et l’état liquide permet d’extraire uniquement les produits de fission des sels, réduisant drastiquement les déchets en termes de quantité, durée de radiotoxicité et chaleur dégagée. Il est particulièrement bien adapté au cycle de combustible au thorium, et avec ce type de machine, on arrive à un rendement d’environ 1TeraWattHeure (Twh) d’électricité pour 91 kilogrammes de thorium.

En 2012 la France a consommé 489,5 Twh d’électricité. A ce niveau de consommation, les 8500 tonnes dans la réserve française pourraient fournir les besoins en électricité de la France pendant 190 ans. On n’aura pas besoin d’aller chercher le thorium par extraction minière pendant un moment ! Mais quand ce sera nécessaire, le coût et l’impact sur l’environnement seront négligeables.

Si l’humanité n’exploite pas cette énergie aujourd’hui, c’est parce que l’industrie nucléaire et les gouvernements mondiaux n’ont pas envie d’investir dans une technologie de rupture aussi radicalement différente que celles qui sont connues et maitrisées. Le chiffre des 190 ans restera une statistique intéressante tant que le système d’énergie nucléaire pour exploiter efficacement l’énergie du thorium n’est pas réalisé à l’échelle industrielle. Jamais une technologie pouvant apporter autant de bénéfices à autant de personnes n’a reçu aussi peu de financement.

Le CNRS lance un projet sur l’exploitation du thorium

Qui veut étudier le thorium ?

Le CNRS, AREVA et le CEA lancent un appel à projets autour de trois axes :

1 : Géologie de l’Uranium et du Thorium (Source – Transport – Dépôt – Préservation)

2 : Traitement des minerais d’uranium et de thorium

3 : Acteurs et marchés des matériaux fissiles

Ceux qui s’y intéressent ont jusqu’au 6 juillet 2012 à minuit pour déposer leur candidature !