Une journée technique

Comment innover dans l’énergie nucléaire en France ?

Le thème pour la journée technique organisée par la Société Française d’Energie Nucléaire vendredi 1 décembre était la « place et évolution de l’énergie nucléaire dans le futur« . Quels sont les alternatifs aux grands Réacteurs à Eau Pressurisée comme l’EPR (ou EPR-NM) ?

La journée comprenait des présentations sur les trois technologies suivantes :

VCT

EDF a dévoilé des informations techniques sur leur petit réacteur modulaire (Small Modular Reactor – SMR). Avec une architecture intégrée et compacte, chaque réacteur aurait une puissance de 170 mégawatts électriques, logé dans une enceinte métallique de hauteur 15m et immergée dans un bassin d’eau pour assurer une sécurité passive. D’autres avantages seraient apportés par un bâtiment réacteur semi-enterré couvert par un tumulus de terre, contenant 4 réacteurs et permettant de mutualiser des ressources comme le bassin d’eau ou la salle de commande.

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Cette technologie fait désormais l’objet d’un avant-projet sommaire chez EDF, en partenariat avec le CEA, Naval groupe et Technicatome, qui doit déboucher dans 3 ou 4 ans sur une décision d’engager … ou non … son développement.

Mais le problème des petits réacteurs modulaires, c’est qu’ils sont petits.

Certes, la maîtrise française de la conception et l’exploitation des réacteurs à eau pressurisée permettra de développer cette technologie dans les années 2020, pour une commercialisation vers 2030. Certes, un petit réacteur modulaire sera moins cher que ses gros cousins qui constituent actuellement le parc français. Mais comme il sera environ 10 fois moins puissant qu’un EPR, pas sûr que les leviers économiques des petits réacteurs compensent la perte de valeur de cet effet d’échelle ! En tout cas, les experts économiques de l’I-tésé (Institut de Technico-Economie des Systèmes Energétiques) au CEA suivent l’affaire avec intérêt.

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Ensuite il y a ASTRID, le projet pour un démonstrateur de Réacteur à Neutrons Rapides au sodium (RNR-Na) développé par le CEA. Cette filière a l’avantage de présenter beaucoup de valeur : utilisation du stock français d’Uranium appauvri, fermeture du cycle de combustible, surgénération … avec les RNR sodium, l’énergie nucléaire serait assurée pendant des millénaires !

ASTRID

Dans l’avant-projet en cours, mené par un consortium d’entreprises françaises et internationales avec environ 600 personnes, il y a des discussions avec l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), mais pas encore d’engagement formel avec l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN). Cet avant-projet doit déboucher en 2019 sur une décision par les tutelles du CEA d’engager … ou non … le développement d’ASTRID.

Mais le problème des RNR sodium, c’est qu’ils sont chers.

Certes, la valeur offerte par cette filière est séduisante. Certes, la France maîtrise la technologie, ayant construit les réacteurs Rapsodie, Phénix et Superphénix, et elle a un grand retour d’expérience. Mais utiliser un caloporteur sodium avec un combustible solide, même si le danger de la pression est éliminé, présente un danger de réactivité chimique. Les inconvénients de ce concept sont identifiés et il est possible d’y remédier, mais les études économiques de l’I-tésé et d’autres sont claires : le principal enjeu de cette technologie est son coût.

Enjeux ASTRID

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Enfin, le concept de réacteur à sels fondus MSFR développé par le CNRS, qui se décline désormais en deux versions – un grand réacteur d’un Gigawatt, et un petit réacteur modulaire d’une puissance entre 100 et 300 Mégawatts. Les avantages de sûreté intrinsèques d’un combustible liquide avec des sels fondus chimiquement stables sont démontrés par les études de la petite équipe du CNRS, et apportent à la fois de la valeur et la possibilité d’une rupture dans le coût de l’énergie nucléaire.

MSFR

Il est déjà appréciable que la SFEN ait accepté d’inclure une présentation sur cette technologie dans leur journée technique. Le sujet est désormais incontournable dans toute discussion de la place et évolution de l’énergie nucléaire dans le futur, avec un intérêt international grandissant et le foisonnement d’entreprises start-up.

Pour les réacteurs à sels fondus, le temps est-il vraiment un problème ?

Quand le CEA parle des réacteurs à sels fondus, on pourrait conclure que les développements ne sont pas pour demain :

  • C’est un concept très innovant
  • Aucune construction d’un réacteur même prototype n’est actuellement lancée
  • Demanderait un processus de certification qui ne serait pas simple
  • Un certain nombre de difficultés techniques à résoudre en particulier dans le domaine de la chimie
  • Par contre c’est intéressant comme concept

Mais le CEA n’est pas un spécialiste dans ce domaine, ayant abandonné leur travail sur la technologie en 1983 en faveur des RNR sodium. Malheureusement, les économistes de l’I-tésé n’ont jamais chiffré un réacteur à sels fondus.

Les spécialistes dans d’autres pays disent que la technologie peut être déployée dans les années 2020, avec des architectures simplifiées par rapport au concept MSFR français. Le 7 novembre, l’Académie des Sciences de Chine et la province du Gansu ont signé un accord de coopération nucléaire pour un projet de réacteur à sels fondus à base de thorium, et visent un premier prototype de 2 Mégawatts en 2020.

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En France, la communauté politique se pose actuellement de sérieuses questions sur le nucléaire. Est-ce une énergie de transition ou une énergie du futur ?

Si les réacteurs à sels fondus peuvent répondre aux attentes des clients de l’énergie nucléaire en termes de valeur, de coût et de temps, il serait temps d’y consacrer beaucoup plus de ressources.

 

Qui travaille sur le coût ?

À cheval sur la rivière Aare dans le canton d’Argovie, l’Institut Paul Scherrer (PSI) est le plus grand institut de recherche Suisse.

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Dans la division de recherche sur l’énergie et la sûreté nucléaire de ce centre d’excellence national, 220 personnes travaillent sur :

  • la sécurité, la gestion des déchets et le démantèlement
  • l’éducation
  • les nouvelles technologies, l’innovation et les concepts avancés.

La Suisse a rejoint en 2015 le projet sur les réacteurs à sels fondus du Forum international Génération IV (GIF), et PSI est devenu un partenaire actif dans le programme européen de recherche SAMOFAR, focalisé sur les avantages de sécurité intrinsèques du réacteur nucléaire rapide à sels fondus (MSFR – Molten Salt Fast Reactor).

C’est donc tout naturellement que PSI a été choisi pour héberger, le 24 janvier 2017, un atelier sur l’avancement des travaux du GIF sur les réacteurs à sels fondus.

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Une centaine de participants de 18 pays ont assisté aux présentations faites par des contributeurs venus de Chine, des États-Unis, d’Australie, de Russie, de France, de Suisse et de l’Union européenne.

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Voici une synthèse de quelques points clés de l’atelier :

  • Avec la signature d’un protocole d’accord, les États-Unis ont rejoint le projet réacteurs à sels fondus du forum génération IV le 5 janvier 2017.
  • La Chine a terminé la conception détaillée d’un réacteur de 10MW avec combustible solide, refroidi aux sels fondus. La conception détaillée d’un réacteur avec combustible liquide est en cours.
  • En Chine une équipe de 600 personnes travaille à temps plein sur le programme TMSR, avec en plus 200 étudiants des cycles supérieurs.
  • L’étude d’une version prototype du réacteur MSFR a permis de faire une proposition pour une version « petit réacteur modulaire » de cette technologie.

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  • La commission de réglementation nucléaire des États-Unis (NRC) a publié fin 2016 des documents sur leur feuille de route pour les « réacteurs non eau légère ». Elle va travailler dans les 5 ans à venir sur les réacteurs à sels fondus pour être capable de fournir des permis d’exploitation aux entreprises qui développent cette technologie.
    • ML16356A670 NRC Vision and Strategy: Safely Achieving Effective and Efficient Non-Light Water Reactor Mission Readiness
    • ML16294A181 NRC Non-Light Water Reactor (Non-LWR) Vision and Strategy – Staff Report: Near-Term Implementation Action Plans – Volume 1 – Executive Information
    • ML16334A495 NRC Non-Light Water Reactor (Non-LWR) Vision and Strategy – Staff Report: Near-Term Implementation Action Plans – Volume 2 – Detailed Information
  • Terrestrial Energy USA a informé la NRC de son intention de leur soumettre une demande de permis d’exploitation d’ici octobre 2019 au plus tard.
  • Une nouvelle entreprise start-up, Kairos Power, a été créée en Californie pour commercialiser une technologie de réacteurs à combustible solide, refroidi par sels fondus.
  • Du 2 au 4 juillet 2017 le programme SAMOFAR organisera un atelier sur le campus de l’École polytechnique de Milan à Como en Italie, dans le cadre de son Work Package No.6 (éducation).

Une question a été posée suite à la présentation de Jérôme Serp, ingénieur au CEA et administrateur du projet pour le GIF :

« Dans le projet génération IV sur les réacteurs à sels fondus, qui travaille sur le coût ? »

Visiblement, cette question avait l’air de gêner un peu les membres du projet. Il fut répondu que dans le cadre du GIF il y a des travaux sur la méthodologie de chiffrage des réacteurs, mais que personne ne travaille sur les coûts des différentes solutions de réacteurs à sels fondus. Cette situation est à contraster avec les différentes entreprises start-up qui elles travaillent sur la technique ET les coûts.

Pourtant, dans les huit objectifs du forum génération IV, deux sont axés sur la compétitivité économique :

« Économique-1 : Les systèmes d’énergie nucléaire de génération IV auront un avantage clair en coût de cycle de vie par rapport aux autres sources d’énergie. »

« Économique-2 : Les systèmes d’énergie nucléaire de génération IV auront un niveau de risque financier comparable aux autres projets énergétiques. »

La recherche est un processus qui transforme l’argent en idées, et le développement est un processus qui transforme les idées en argent.

R+D v3

Dans un réacteur nucléaire, si la fission des atomes produit insuffisamment de neutrons, la réaction en chaîne s’arrête. Dans un processus de recherche et développement, c’est la quantité d’Euros dans le système qui compte. Pour faire plus de recherche, il est essentiel de montrer aux développeurs que les idées générées permettront de lancer sur le marché une technologie qui aura des chances d’être compétitive. Pour atteindre la « masse critique » de la R&D, il faut chiffrer.

Nous savons que les avantages intrinsèques de sécurité des réacteurs à sels fondus peuvent générer de grands avantages dans le coût de capital pour fabriquer une centrale, et dans le coût de l’énergie produite. Mais combien ? Dans le projet réacteurs à sels fondus du forum international génération IV, c’est le moment de mettre l’économique avant la neutronique.

UK flag  Cet article est disponible en anglais ici.

新年快乐, équipe TMSR !

C’est le Nouvel An en Chine, et l’année de la chèvre pourrait être historique pour l’équipe à Shanghai qui travaille pour développer le premier réacteur à sels fondus du monde à fonctionner depuis 1969.

Energie du Thorium a écrit à Xu Hongjie, le directeur du programme TMSR* au SINAP**, pour poser des questions sur l’avancement.

TMSR    Xu Hongjie

Lettre ouverte à Xu Hongjie, directeur du programme TMSR, SINAP

Cher Dr. Xu,

Ce courriel est pour souhaiter une très bonne année à vous et à toute l’équipe de TMSR.

Partout dans le monde, dans la communauté grandissante des réacteurs à sel fondus, il y a beaucoup de questions au sujet de ce programme passionnant :

  • Quand le premier réacteur (TMSR-SF1) est-il prévu d’atteindre la criticité ?
  • Comment progresse la construction du site du réacteur à Dafeng ?
  • Le réacteur TMSR-SF1 sera-t-il lié à un réacteur chimique pour la production de méthanol ?
  • Combien de personnes travaillent actuellement sur le programme ?
  • Quel est le budget global du programme ?
  • Y a-t-il toujours un soutien politique fort pour le programme, après la démission de Jiang Mianheng ?
  • La conception pour le premier réacteur à combustible liquide est-elle terminée ?
  • Quelle est la visibilité pour le coût du carburant, des capitaux et de l’énergie produite pour les technologies TMSR (combustibles solides et liquides) ?
  • Comment l’équipe est-elle organisée de telle sorte que les physiciens travaillent efficacement avec les chimistes ?
  • Dans le cadre du partenariat avec CNNC, quel sera le premier réacteur à être construit par la CNNC, et quand ?
  • SINAP a un partenariat avec le laboratoire ANSTO en Australie. Y a-t-il d’autres partenariats pour la R&D sur TMSR en dehors de la Chine ?

En 2015, avez-vous un plan de communication ? Comptez vous présenter les progrès de TMSR à la conférence ThEC15 à Mumbai, Inde en Octobre, ou à toute autre conférence en 2015 ?

Est-il prévu que TMSR soit présenté par la Chine comme une solution au changement climatique lors de la conférence climatique COP 21 à Paris en Décembre 2015 ?

Espérons que l’année de la chèvre apportera de grands progrès dans la technologie des réacteurs à sels fondus. Bonne chance à vous et à toute votre équipe.

Meilleures salutations,

John Laurie
http://energieduthorium.fr

En attendant la réponse de Dr. Xu, sa présentation à la conférence ThEC13 au CERN à Genève en 2013 donne des informations intéressantes pour ceux qui voudraient connaître plus sur ce programme.

UK flag Le courriel, tel qu’il a été envoyé en anglais, est ici.

(新年快乐 = Bonne année)

* TMSR = Thorium Molten Salt Reactor –> Réacteur à Sels Fondus au Thorium

** SINAP = Shanghai Institute of Applied Physics –> Institut de physique appliquée de Shanghai

Photo de Xu Hongjie : http://www.icri2014.eu/speakers/xu-hongjie

La Chine déclare la guerre

Le premier ministre Li Keqiang, s’adressant à l’assemblée nationale populaire le 5 mars, a dit que le gouvernement chinois a déclaré « la guerre contre la pollution », selon un article paru dans le South China Morning Post.

chimneypollutioncnUne des armes de cette guerre sera le développement de réacteurs à sels fondus au thorium. L’équipe scientifique du projet TMSR (acronym anglais : Thorium Molten Salt Reactor) à Shanghai avait établi un planning de 25 ans pour ce projet. Désormais on leur impose un délai de 10 ans.

Le professeur Li Zhong, directeur de la division de chimie et de l’ingénierie des sels fondus, a dit : « Dans le passé, le gouvernement s’est intéressé à l’énergie nucléaire en raison de la pénurie d’énergie. Maintenant, il est plus intéressé à cause de la pollution. Le problème du charbon est devenu clair : si la consommation moyenne d’énergie par personne double, ce pays sera étranglé à mort par l’air pollué. L’énergie nucléaire est la seule solution pour le remplacement massif du charbon, et le thorium porte beaucoup d’espoir. »

Le gouvernement chinois a annoncé que les mesures pour s’attaquer au problème pourraient inclure la fermeture de centrales au charbon, qui ont produit environ 70% de l’électricité de la Chine l’an dernier, selon les chiffres du gouvernement. Les centrales nucléaires ont généré un peu plus d’un pour cent de cette électricité. La Chine a actuellement 21 réacteurs nucléaires en état de marche, et 28 en construction.

Les chercheurs travaillant sur le projet ont dit qu’ils étaient sous une pression sans précédent « comme en temps de guerre » pour réussir, et que certains des défis techniques auxquels ils sont confrontés sont difficiles, voire impossibles à résoudre dans un délai aussi court. « Nous sommes encore dans l’ignorance de la nature physique et chimique du thorium à bien des égards », a déclaré Li. « Il y a tellement de problèmes à régler, mais si peu de temps. C’est certainement une course. La Chine est face à une concurrence féroce de l’étranger et arriver en premier ne sera pas une tâche facile. »

INSOMNIE DES CLIMATOLOGUES

La dégradation de la situation en Chine inquiète tellement le climatologue américain James Hansen qu’il a du mal à dormir. Dans un communiqué du 10 mars il ne mâche pas ses mots :

« La pollution atmosphérique originaire de la combustion de charbon tue plus de 1.000.000 de personnes par an en Chine. L’espérance de vie en Chine du Nord est réduit d’au moins cinq ans, et ceux qui vivent souffrent de nombreux effets sur la santé. »

« En tant que scientifiques nous avons une responsabilité particulière. Nous avons depuis 25 ans des connaissances qui auraient permis que le changement climatique et la pollution de l’air soient des problèmes gérables, pas des tragédies. Cependant, nous n’avons pas réussi à communiquer les implications assez bien avec les dirigeants politiques et nous n’avons pas atteint une action efficace. Nous devons essayer plus fort maintenant, car il est encore possible de réduire les effets du changement climatique et il est possible de résoudre le problème de la pollution de l’air. »

« ma plus grande frustration est avec notre propre incapacité en tant que scientifiques de communiquer clairement l’histoire de l’énergie. »

« Si on n’aide pas la Chine (…) je crois que nos propres enfants, et le monde dans son ensemble, vont considérer dans le futur que nous avons été coupables du plus grand crime du monde contre l’humanité et la nature. »

ET QUE FAIT LA FRANCE ?

La France aussi a des problèmes de pollution dans ses grandes villes. En plus des émissions de l’industrie, de l’habitat et des transports français, une partie de cette pollution serait dû à la combustion de charbon à l’étranger. En effet, les nuages de particules fines sont tout aussi indisciplinés que les nuages radioactifs et ils ne s’arrêtent pas aux frontières. Ainsi, la responsabilité des pays à forte consommation de charbon comme l’Allemagne et la Pologne pour le pic de pollution en France cette semaine a été en question.

La presse britannique a bien relayé l’importante nouvelle de l’accélération du projet TMSR en Chine, avec des articles dans The Telegraph et The Guardian. En France, la presse n’en parle pas. La blogosphère française a été active cette semaine avec des articles captivants sur la très improbable voiture au thorium de Laser Power Systems qui roulerait 100 ans sans plein. C’est un beau rêve, mais le cœur du débat doit rester la génération d’énergie dans des centrales davantage optimisées pour leur coût, fiabilité et sécurité que pour leur design.

Au lieu d’annoncer un investissement important en recherche et développement pour se joindre à la course aux systèmes d’énergie nucléaire nouveaux comme les réacteurs à sels fondus, la France a organisé à Paris lundi une journée de circulation alternée.

ECRAN DE FUMÉE

Quand on questionne les experts français (CEA, Areva, EDF…) sur le thorium, ils répondent que ce n’est pas intéressant, que son utilisation n’aurait pas beaucoup d’avantages par rapport à l’uranium, ou que l’utilisation ne peut pas être envisagée avant des décennies. Et ils ont raison ! Car ils parlent du thorium dans le cadre des technologies à combustible solide. Cela permet de créer un écran de fumée, pour protéger le marché français des réacteurs de génération 3 et le futur marché imaginé pour les technologies en gestation de génération 4 à combustible solide. L’Autorité de Sureté Nucléaire veut même changer le statut de la réserve française de thorium. Selon leur avis n° 2014-AV-0202 du 6 février 2014, « les matières thorifères doivent être, dès à présent, requalifiées en déchets radioactifs »

Ce qui motive les chinois est la séduisante possibilité d’utiliser le thorium dans un combustible liquide – une sorte de « soupe » de sels de fluorure fondus. Cette technologie fondamentalement différente a le potentiel de rendre la fission nucléaire moins chère et plus sûre, fiable, durable et propre. Les combustibles liquides peuvent être adaptés pour utiliser le thorium, l’uranium ou le plutonium, tout en générant moins de déchets radioactifs. La France a une vraie expertise dans ce domaine, pour l’instant inexploitée, grâce au travail d’une équipe du CNRS à Grenoble et à Orsay.

En période de pollution atmosphérique, un écran de fumée n’est pas le bienvenu. Si l’équipe chinoise parvient à développer un système d’énergie nucléaire à combustible liquide, il y a un vrai risque d’élimination de l’industrie nucléaire française, tellement cette technologie de rupture a le potentiel de surpasser la technologie actuelle. Le déni de ce potentiel est une stratégie dangereuse.

Image : South China Morning Post