La peur du gendarme

Comme l’a dit Cédric Villani, « on est dans le cœur du métier ».

Une question fondamentale.

Pour l’avenir de l’énergie nucléaire, faut-il privilégier des solutions avec la meilleure sûreté intrinsèque ? Ou celles avec le meilleur retour d’expérience ?

Le 24 mai à l’Assemblée nationale lors d’une audition publique de l’Office Parlementaire d’Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques (OPECST), Elsa Merle, enseignante chercheur au CNRS, a été auditionnée sur la technologie des réacteurs à sels fondus et le projet MSFR.

Les parlementaires de l’OPECST ont été informés de l’excellent niveau de sûreté intrinsèque des réacteurs à sels fondus, ainsi que leur flexibilité en suivi de charge et leur capacité à incinérer les déchets à vie longue.

Cet événement est couvert par un article (avec vidéos) de la nouvelle association Progrès Nucléaire.

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Donc le présent article ne reviendra pas sur la présentation d’Elsa Merle. Il sera question ici de l’intervention dans cette même audition du président de l’Autorité de Sûreté Nucléaire, monsieur Pierre-Franck Chevet :

Dans son dernier point, monsieur Chevet a parlé des arbitrages entre innovation et sûreté. Voici la transcription de son intervention :

« Dernier point, et c’était évoqué dans une des tables rondes : sur les arbitrages entre innovation et sûreté. Je prends un exemple sur la génération 4. Je souscris au choix qui a été fait en tout cas par la France parmi l’ensemble des réacteurs proposés dans la génération 4 de plutôt aller explorer les « fast breeder », les réacteurs à neutrons rapides. Pour un raison tout à fait simple : même si d’autres réacteurs ont des caractéristiques intrinsèques de sûreté peut-être meilleurs (potentiellement en tout cas), nous pensons que de manière pratique, le savoir-faire acquis sur les réacteurs à neutrons rapides en France sera plutôt un gage de sûreté à la fin. Encore une fois il y a une très grande différence entre un design théorique qui peut apparaître extraordinairement séduisant pour plusieurs raisons, y compris en termes de sûreté, et de manière pratique les problèmes de réalisation. Par exemple sur un certain nombre des réacteurs de génération IV, certains travaillent à très haute température. La question de la qualification des matériaux à très haute température est une vraie question scientifique, mais c’est à terme une vraie question de sûreté de savoir si tout ça résiste bien, et dans la durée, aux sollicitations extrêmes qu’on envisage. »

Dans la conception d’un système, face à un danger dans son exploitation, la stratégie la plus efficace est l’élimination de ce danger dans la conception du système – la case bleue dans le schéma ci-après :

Hierarchie de contrôle des dangers

Depuis plus de 30 ans, la réponse aux accidents et incidents survenus avec les réacteurs à eau pressurisée (REP) a été surtout d’ajouter des mesures d’ingénierie et des mesures administratives, et même des équipements de protection individuels (EPI) : les cases jaune, orange et rouge. L’inertie autour des REP nous a empêché de travailler sur des concepts plus efficaces qui éliminent les dangers de cette technologie.

Le REX est roi ?

Il est par définition impossible pour un concept de réacteur à combustible solide de profiter des avantages de sûreté qui sont intrinsèques aux combustibles liquides.

Alors qu’il est par définition possible pour un concept de réacteur à combustible liquide d’obtenir un niveau de retour d’expérience (REX) comparable aux réacteurs qui ont été exploités dans un contexte industriel.

Obtenir ce retour d’expérience est une question de temps et d’argent, et donc d’engagement politique. La Chine s’est organisée pour obtenir ce retour d’expérience. Elle annonce que leur premier réacteur à sels fondus prototype va démarrer en décembre 2020 :

Construction Schedule SAMOFAR meeting

Aux Etats-Unis, la loi a été changée pour obliger la Commission de réglementation nucléaire (NRC) à se restructurer afin d’être prête à affecter des licences d’exploitation à des entreprises proposant des réacteurs avancés.

Au Canada, 10 entreprises de nucléaire avancé ont déjà entamé le processus d’examens de la conception de fournisseurs préalables à l’autorisation, de la Commission canadienne de sûreté nucléaire.

Et en France ? Toujours rien…

On peut comprendre que notre gendarme nucléaire ait peur, mais espérons que dans les réflexions autour de cette question fondamentale de REX vs sûreté intrinsèque on commencera bientôt à voir un début de la sagesse.

 

Crédit photo : La Tribune / Reuters

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10 nouveaux paradigmes

Le Groupe Professionnel Centrale-Énergies a organisé le 13 juin 2018 à Paris une conférence-débat sur le thème : « Les Réacteurs à Sels Fondus : une filière pour le nucléaire du futur ? »

En compagnie de Daniel Heuer (directeur de recherche au CNRS et responsable du projet MSFR), Guillaume Campioni (Ingénieur-chercheur au CEA) et Dominique Grenèche (Nuclear Consulting), John Laurie a donné une présentation avec le titre « Fission Liquide – 10 nouveaux paradigmes », dont voici la vidéo :

Vous trouverez également par les liens suivants :

Une journée technique

Comment innover dans l’énergie nucléaire en France ?

Le thème pour la journée technique organisée par la Société Française d’Energie Nucléaire vendredi 1 décembre était la « place et évolution de l’énergie nucléaire dans le futur« . Quels sont les alternatifs aux grands Réacteurs à Eau Pressurisée comme l’EPR (ou EPR-NM) ?

La journée comprenait des présentations sur les trois technologies suivantes :

VCT

EDF a dévoilé des informations techniques sur leur petit réacteur modulaire (Small Modular Reactor – SMR). Avec une architecture intégrée et compacte, chaque réacteur aurait une puissance de 170 mégawatts électriques, logé dans une enceinte métallique de hauteur 15m et immergée dans un bassin d’eau pour assurer une sécurité passive. D’autres avantages seraient apportés par un bâtiment réacteur semi-enterré couvert par un tumulus de terre, contenant 4 réacteurs et permettant de mutualiser des ressources comme le bassin d’eau ou la salle de commande.

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Cette technologie fait désormais l’objet d’un avant-projet sommaire chez EDF, en partenariat avec le CEA, Naval groupe et Technicatome, qui doit déboucher dans 3 ou 4 ans sur une décision d’engager … ou non … son développement.

Mais le problème des petits réacteurs modulaires, c’est qu’ils sont petits.

Certes, la maîtrise française de la conception et l’exploitation des réacteurs à eau pressurisée permettra de développer cette technologie dans les années 2020, pour une commercialisation vers 2030. Certes, un petit réacteur modulaire sera moins cher que ses gros cousins qui constituent actuellement le parc français. Mais comme il sera environ 10 fois moins puissant qu’un EPR, pas sûr que les leviers économiques des petits réacteurs compensent la perte de valeur de cet effet d’échelle ! En tout cas, les experts économiques de l’I-tésé (Institut de Technico-Economie des Systèmes Energétiques) au CEA suivent l’affaire avec intérêt.

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Ensuite il y a ASTRID, le projet pour un démonstrateur de Réacteur à Neutrons Rapides au sodium (RNR-Na) développé par le CEA. Cette filière a l’avantage de présenter beaucoup de valeur : utilisation du stock français d’Uranium appauvri, fermeture du cycle de combustible, surgénération … avec les RNR sodium, l’énergie nucléaire serait assurée pendant des millénaires !

ASTRID

Dans l’avant-projet en cours, mené par un consortium d’entreprises françaises et internationales avec environ 600 personnes, il y a des discussions avec l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), mais pas encore d’engagement formel avec l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN). Cet avant-projet doit déboucher en 2019 sur une décision par les tutelles du CEA d’engager … ou non … le développement d’ASTRID.

Mais le problème des RNR sodium, c’est qu’ils sont chers.

Certes, la valeur offerte par cette filière est séduisante. Certes, la France maîtrise la technologie, ayant construit les réacteurs Rapsodie, Phénix et Superphénix, et elle a un grand retour d’expérience. Mais utiliser un caloporteur sodium avec un combustible solide, même si le danger de la pression est éliminé, présente un danger de réactivité chimique. Les inconvénients de ce concept sont identifiés et il est possible d’y remédier, mais les études économiques de l’I-tésé et d’autres sont claires : le principal enjeu de cette technologie est son coût.

Enjeux ASTRID

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Enfin, le concept de réacteur à sels fondus MSFR développé par le CNRS, qui se décline désormais en deux versions – un grand réacteur d’un Gigawatt, et un petit réacteur modulaire d’une puissance entre 100 et 300 Mégawatts. Les avantages de sûreté intrinsèques d’un combustible liquide avec des sels fondus chimiquement stables sont démontrés par les études de la petite équipe du CNRS, et apportent à la fois de la valeur et la possibilité d’une rupture dans le coût de l’énergie nucléaire.

MSFR

Il est déjà appréciable que la SFEN ait accepté d’inclure une présentation sur cette technologie dans leur journée technique. Le sujet est désormais incontournable dans toute discussion de la place et évolution de l’énergie nucléaire dans le futur, avec un intérêt international grandissant et le foisonnement d’entreprises start-up.

Pour les réacteurs à sels fondus, le temps est-il vraiment un problème ?

Quand le CEA parle des réacteurs à sels fondus, on pourrait conclure que les développements ne sont pas pour demain :

  • C’est un concept très innovant
  • Aucune construction d’un réacteur même prototype n’est actuellement lancée
  • Demanderait un processus de certification qui ne serait pas simple
  • Un certain nombre de difficultés techniques à résoudre en particulier dans le domaine de la chimie
  • Par contre c’est intéressant comme concept

Mais le CEA n’est pas un spécialiste dans ce domaine, ayant abandonné leur travail sur la technologie en 1983 en faveur des RNR sodium. Malheureusement, les économistes de l’I-tésé n’ont jamais chiffré un réacteur à sels fondus.

Les spécialistes dans d’autres pays disent que la technologie peut être déployée dans les années 2020, avec des architectures simplifiées par rapport au concept MSFR français. Le 7 novembre, l’Académie des Sciences de Chine et la province du Gansu ont signé un accord de coopération nucléaire pour un projet de réacteur à sels fondus à base de thorium, et visent un premier prototype de 2 Mégawatts en 2020.

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En France, la communauté politique se pose actuellement de sérieuses questions sur le nucléaire. Est-ce une énergie de transition ou une énergie du futur ?

Si les réacteurs à sels fondus peuvent répondre aux attentes des clients de l’énergie nucléaire en termes de valeur, de coût et de temps, il serait temps d’y consacrer beaucoup plus de ressources.

 

Une rupture numérique ?

Hier, la Société Française d’Énergie Nucléaire a tenu sa convention annuelle, sur le thème « Le nucléaire accélère sa transformation numérique ».

Convention SFEN 2017

Image : SFEN (via Twitter)

Dans son introduction, le président de la SFEN Christophe Béhar a rappelé que le numérique n’est pas une fin en soi, mais un levier puissant qui permettra à la filière nucléaire d’aller plus vite, de manière intégrée, et de revoir ses processus.

Xavier Ursat, Directeur Exécutif d’EDF en charge de la Direction Ingénierie et Projets Nouveau Nucléaire, considère que le nucléaire a « pris du retard » par rapport aux autres industries comme l’automobile ou l’aéronautique. Il admet que le nucléaire est aujourd’hui questionné sur sa compétitivité, sur sa capacité à tenir les coûts et les délais : « L’industrie continuera à réussir si elle tient ses promesses. »

François Gauché, Directeur de l’Énergie Nucléaire au CEA, est revenu sur l’histoire du développement des processus numériques depuis 1948, sur les outils de simulation et de calcul tels que les méthodes Monte-Carlo d’analyse neutronique. L’augmentation de la puissance numérique permet de progresser dans la finesse des calculs.

Bernard Fontana, Chief Executive Officer d’AREVA NP a insisté sur la nécessité d’améliorer le coût d’exploitation de 30% aux Etats-Unis d’ici 2020, pour éviter la fermeture de centrales face à la concurrence du gaz de schiste.

Est-ce raisonnable de compter sur les technologies numériques pour réduire autant le coût du nucléaire ? Le besoin de production d’une énergie décarbonée à faible coût est plus pressant que jamais, et les enjeux sont de taille. Face à la situation critique dans laquelle elle se trouve, il faut que l’industrie fasse preuve d’un peu plus d’imagination.

La notion de technologie de rupture, une innovation qui porte sur un produit ou un service et qui finit par remplacer une technologie dominante sur un marché, a été introduite par Clayton M. Christensen dans son livre « Le dilemme de l’innovateur : quand les nouvelles technologies font disparaître les grandes entreprises« , publié en 1997. Ce livre décrit comment les industries établies, des gros paquebots très focalisés sur les besoins de leurs parties prenantes (clients, actionnaires, employés…), arrivent très rarement à changer de cap.

Par opposition aux technologies de rupture, les technologies de continuité ou d’amélioration continue procèdent par améliorations et incréments graduels successifs des performances de la technologie actuelle. Investir dans le numérique pour améliorer des processus dans la technologie des réacteurs à eau pressurisée, comme la numérisation de documents ou la gestion du cycle de vie des installations, tombe dans cette catégorie.

Il y a de solides raisons de penser que changer le combustible nucléaire d’un solide à un liquide à base de sels fondus pourra être une technologie de rupture. Nous savons que :

  • la capacité des sels fondus à confiner chimiquement des produits de fission
  • l’exploitation à pression atmosphérique
  • le fort mécanisme de contre-réaction d’un combustible liquide
  • la stabilité chimique des sels
  • la haute température de fonctionnement
  • le meilleur taux de combustion de la matière fissile
  • les nombreuses possibilités d’architecture et de modularité
  • la capacité de suivi de charge rapide
  • (…etc…)
…sont autant de facteurs qui devraient permettre de baisser le coût en capital et le coût moyen actualisé pour la production d’énergie d’une centrale nucléaire équipée de cette technologie. Le numérique est également un levier puissant dans ce domaine, pour démontrer la faisabilité de nouveaux concepts :
Transients MSFR

1. Modélisation par couplage neutronique / thermo-hydraulique d’effets transitoires dans un réacteur MSFR

Tube SSR v2

2. Simulation ANSYS / Fluent du flux laminaire de convection de sels fondus dans le tube de combustible d’un réacteur à sels stables (diamètre du tube agrandi sur l’image)

Turbulences TU Delft

3. Modélisation de vortex Taylor dans un milieu à sels fondus

Comment réagir face à une technologie de rupture comme la fission liquide ? Christensen suggère que la seule stratégie de survie pour des grandes entreprises dans cette situation est de créer une filiale start-up, indépendante, agile, avec des faibles coûts de structure, qui peut prendre des risques.

En 1958 Framatome était une start-up, qui a rassemblé la propriété intellectuelle des réacteurs à eau pressurisée de Westinghouse (désormais en faillite) et l’excellence de l’industrie française dans la fabrication de récipients sous pression. Elle a grandi pour devenir l’énorme entreprise multinationale que nous connaissons aujourd’hui sous le nom AREVA.

Nous sommes à 23 jours du premier tour de l’élection présidentielle. Dans le nouveau quinquennat, la France a tous les atouts pour renouer avec cet esprit de start-up et utiliser les leviers du numérique pour engager une innovation de rupture dans le nucléaire. Lire la suite

Qui travaille sur le coût ?

À cheval sur la rivière Aare dans le canton d’Argovie, l’Institut Paul Scherrer (PSI) est le plus grand institut de recherche Suisse.

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Dans la division de recherche sur l’énergie et la sûreté nucléaire de ce centre d’excellence national, 220 personnes travaillent sur :

  • la sécurité, la gestion des déchets et le démantèlement
  • l’éducation
  • les nouvelles technologies, l’innovation et les concepts avancés.

La Suisse a rejoint en 2015 le projet sur les réacteurs à sels fondus du Forum international Génération IV (GIF), et PSI est devenu un partenaire actif dans le programme européen de recherche SAMOFAR, focalisé sur les avantages de sécurité intrinsèques du réacteur nucléaire rapide à sels fondus (MSFR – Molten Salt Fast Reactor).

C’est donc tout naturellement que PSI a été choisi pour héberger, le 24 janvier 2017, un atelier sur l’avancement des travaux du GIF sur les réacteurs à sels fondus.

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Une centaine de participants de 18 pays ont assisté aux présentations faites par des contributeurs venus de Chine, des États-Unis, d’Australie, de Russie, de France, de Suisse et de l’Union européenne.

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Voici une synthèse de quelques points clés de l’atelier :

  • Avec la signature d’un protocole d’accord, les États-Unis ont rejoint le projet réacteurs à sels fondus du forum génération IV le 5 janvier 2017.
  • La Chine a terminé la conception détaillée d’un réacteur de 10MW avec combustible solide, refroidi aux sels fondus. La conception détaillée d’un réacteur avec combustible liquide est en cours.
  • En Chine une équipe de 600 personnes travaille à temps plein sur le programme TMSR, avec en plus 200 étudiants des cycles supérieurs.
  • L’étude d’une version prototype du réacteur MSFR a permis de faire une proposition pour une version « petit réacteur modulaire » de cette technologie.

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  • La commission de réglementation nucléaire des États-Unis (NRC) a publié fin 2016 des documents sur leur feuille de route pour les « réacteurs non eau légère ». Elle va travailler dans les 5 ans à venir sur les réacteurs à sels fondus pour être capable de fournir des permis d’exploitation aux entreprises qui développent cette technologie.
    • ML16356A670 NRC Vision and Strategy: Safely Achieving Effective and Efficient Non-Light Water Reactor Mission Readiness
    • ML16294A181 NRC Non-Light Water Reactor (Non-LWR) Vision and Strategy – Staff Report: Near-Term Implementation Action Plans – Volume 1 – Executive Information
    • ML16334A495 NRC Non-Light Water Reactor (Non-LWR) Vision and Strategy – Staff Report: Near-Term Implementation Action Plans – Volume 2 – Detailed Information
  • Terrestrial Energy USA a informé la NRC de son intention de leur soumettre une demande de permis d’exploitation d’ici octobre 2019 au plus tard.
  • Une nouvelle entreprise start-up, Kairos Power, a été créée en Californie pour commercialiser une technologie de réacteurs à combustible solide, refroidi par sels fondus.
  • Du 2 au 4 juillet 2017 le programme SAMOFAR organisera un atelier sur le campus de l’École polytechnique de Milan à Como en Italie, dans le cadre de son Work Package No.6 (éducation).

Une question a été posée suite à la présentation de Jérôme Serp, ingénieur au CEA et administrateur du projet pour le GIF :

« Dans le projet génération IV sur les réacteurs à sels fondus, qui travaille sur le coût ? »

Visiblement, cette question avait l’air de gêner un peu les membres du projet. Il fut répondu que dans le cadre du GIF il y a des travaux sur la méthodologie de chiffrage des réacteurs, mais que personne ne travaille sur les coûts des différentes solutions de réacteurs à sels fondus. Cette situation est à contraster avec les différentes entreprises start-up qui elles travaillent sur la technique ET les coûts.

Pourtant, dans les huit objectifs du forum génération IV, deux sont axés sur la compétitivité économique :

« Économique-1 : Les systèmes d’énergie nucléaire de génération IV auront un avantage clair en coût de cycle de vie par rapport aux autres sources d’énergie. »

« Économique-2 : Les systèmes d’énergie nucléaire de génération IV auront un niveau de risque financier comparable aux autres projets énergétiques. »

La recherche est un processus qui transforme l’argent en idées, et le développement est un processus qui transforme les idées en argent.

R+D v3

Dans un réacteur nucléaire, si la fission des atomes produit insuffisamment de neutrons, la réaction en chaîne s’arrête. Dans un processus de recherche et développement, c’est la quantité d’Euros dans le système qui compte. Pour faire plus de recherche, il est essentiel de montrer aux développeurs que les idées générées permettront de lancer sur le marché une technologie qui aura des chances d’être compétitive. Pour atteindre la « masse critique » de la R&D, il faut chiffrer.

Nous savons que les avantages intrinsèques de sécurité des réacteurs à sels fondus peuvent générer de grands avantages dans le coût de capital pour fabriquer une centrale, et dans le coût de l’énergie produite. Mais combien ? Dans le projet réacteurs à sels fondus du forum international génération IV, c’est le moment de mettre l’économique avant la neutronique.

UK flag  Cet article est disponible en anglais ici.

Une nouvelle entreprise

Le 9 janvier 2017 John Laurie a donné une présentation à la société des ingénieurs Arts et Métiers, 9 avenue d’Iena à Paris.

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Cette conférence était l’occasion d’annoncer la création, le 1er janvier 2017 de la première entreprise française dédiée à la technologie des réacteurs à sels fondus, nommée Fission Liquide comme ce site.

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La mission de cette entreprise est de connecter les parties prenantes dans cette technologie, de communiquer, de faire sortir le message. Elle n’est pas de faire de la recherche ou le développement d’un réacteur nucléaire.

L’offre de l’entreprise est un conseil indépendant, bilingue français / anglais. Son siège est à Versailles et son numéro SIRET est 824 773 774 00016.

En cliquant sur les icones ci-dessous vous retrouverez la présentation « Éco-modernisme et Fission Liquide » du 9 janvier en format Powerpoint et PDF, ainsi que sa transcription en format Word.

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Conférence chez les gadzarts

La société des ingénieurs Arts et Métiers regroupe les élèves et anciens élèves de l’École nationale supérieure d’Arts et Métiers – les gadzarts.

gadzartsDans le cadre des manifestations des groupes professionnels nucléaire et énergie, John Laurie donnera une conférence lundi 9 janvier à 18:30 sur « Éco-modernisme et Fission Liquide ».

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Elle aura lieu au siège de la société, 9 avenue d’Iena, dans le 16ème arrondissement à Paris.

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Cette conférence sera l’occasion de faire une annonce importante concernant la fission liquide. Vous pouvez vous inscrire ici.

 

Découverte à Oak Ridge

« Faire progresser les réacteurs à sels fondus – les prochaines étapes » était le thème d’un atelier au Laboratoire national d’Oak Ridge (ORNL) les 4 & 5 octobre 2016, basé sur le très réussi « 50e anniversaire de la mise en service du MSRE » tenu l’an dernier.

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Soutenu par le portail pour accélérer l’innovation dans le nucléaire (GAIN) du Département de l’Énergie des États-Unis, cet atelier a été l’occasion pour les acteurs mondiaux de la recherche et du développement des réacteurs à sels fondus de se réunir. Le site internet de l’atelier regroupe l’agenda, les présentations, des photos

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… et aussi une découverte inattendue.

Dans les semaines précédant l’atelier, ORNL a trouvé par chance dans un congélateur de bibliothèque d’archives, un film de 20 minutes sur le réacteur expérimental à sels fondus :

Ce film documentaire de 1969 a été projeté pendant l’atelier puis publié par ORNL sur YouTube. Il revient en détail sur le succès de ce programme de réacteur expérimental, sur ses phases de conception et de construction et sur son fonctionnement avec sûreté et fiabilité entre 1965 et 1969.

 

Le Réacteur à Sels Stables au Bourget

Moltex Energy est une entreprise privée britannique, créée pour résoudre le défi le plus pressant du monde: l’énergie propre, sûre et bon marché.
Cette société comme aucune autre dans le nucléaire, exploite une percée scientifique majeure et les dernières technologies afin de développer des réacteurs nucléaires radicalement meilleurs pour alimenter la planète en énergie sûre, propre et économique au 21e siècle.

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Moltex Energy exposera son concept de Réacteur à Sels Stables à l’édition 2016 du World Nuclear Exhibition, du mardi 28 au jeudi 30 juin au parc des expositions du Bourget.

Cette technologie est née d’une volonté de simplifier et réduire le coût de l’énergie nucléaire, en exploitant les avantages intrinsèques de sécurité offertes par un combustible nucléaire liquide.

Mais le Réacteur à Sels Stables est différent des autres réacteurs à sels fondus. Son combustible est un liquide statique contenu dans des tubes, dans des assemblages très similaires à ceux d’un réacteur nucléaire classique.

Pour découvrir cette technologie, la vidéo suivante est sous-titrée en français :

L’architecture du réacteur est explorée dans cette visite interactive, également sous-titrée en français :

La volonté de valoriser l’innovation est un élément clé de l’édition 2016 du WNE. Un espace « Innovation Planet » dédié aux start-up et aux sociétés innovantes nouvellement créées se tiendra au cœur du salon.

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Moltex sera présent sur le stand 2B-H79/H80 avec une maquette physique de leur concept modulaire, déjà exposée le 1 et 2 juin à la réunion CEM7 (Clean Energy Ministerial) accueillant les ministres de l’énergie de nombreux pays à San Francisco aux États-Unis.

WNE plan

Maquette et CEMPour rencontrer et discuter avec Moltex Energy ainsi que 653 autres exposants, l’accès au World Nuclear Exhibition est gratuit, avec inscription obligatoire. Vous pouvez commander votre badge ici.

 

Joyeux anniversaire, MSRE !

Cette semaine un atelier au Laboratoire national d’Oak Ridge aux États-Unis a marqué le plus grand et le plus important rassemblement à ce jour des personnes qui travaillent pour donner vie à la technologie des Réacteurs à Sels Fondus (RSF).

Photo : John Kutsch

Photo : John Kutsch

Les objectifs de l’atelier étaient :

  1. Commémorer et saluer le 50e anniversaire de l’année de mise en service du réacteur expérimental à sels fondus (en anglais : molten salt reactor experiment, MSRE), revenir sur les opérations réussies.
  2. Créer un forum pour le partage des informations et de l’état d’avancement de plusieurs initiatives et programmes de R&D liées aux RSF, ainsi que des collaborations internationales qui se sont développées récemment avec l’émergence du regain d’intérêt pour les RSF.

Le réacteur MSRE a fonctionné entre juin 1965 et décembre 1969. Avec un combustible liquide composé de sels de fluorure, il a démontré la faisabilité d’une technologie de fission nucléaire intrinsèquement sûre, qui aurait la possibilité d’être compétitive en coûts avec les combustibles fossiles. Certains membres de ce programme étaient présents à l’atelier, et applaudis pour leur énorme accomplissement.

Un site internet a été créé pour l’atelier, avec l’ordre du jour, les participants, les présentations, photos et vidéos. Un fil Twitter a été alimenté en direct par le compte @MSRAssociation, avec une excellente synthèse et des photos.

Présentations ORNL

Les jeunes entreprises à l’oeuvre sur le développement de cette technologie ont présenté l’avancement de leurs travaux, y compris Flibe Energy, Moltex Energy, Terrestrial Energy, et Thorcon Power.

Steve Kuczynski, le PDG de Southern Nuclear, une des plus grandes entreprises d’exploitation de centrales nucléaires aux Etats-Unis a dit qu’il croyait au profil de sécurité plus sûr et aux coûts de construction moins élevés des réacteurs à sels fondus.

Et il y a plusieurs nouveaux entrants sur la liste des entreprises qui travaillent sur la fission liquide. Jeff Latkowski, directeur de l’innovation chez Terrapower, l’entreprise financé par Bill Gates, a révélé qu’ils travaillent depuis 3 ans sur le développement d’un réacteur rapide à base de sels de chlorure. Terrapower a soumis une demande de financement au Département de l’Énergie des États-Unis pour avancer ce concept. Latkowski s’est dit soulagé de pouvoir enfin en parler en public. L’entreprise d’ingénierie canadienne Hatch a également présenté un nouveau concept sur lequel leurs équipes travaillent.

Il y avait meme une présentation par la commission de réglementation nucléaire des États-Unis, qui est critiquée par la communauté des réacteurs à sels fondus pour sa politique technique actuelle, qui permet uniquement l’exploitation des réacteurs à eau pressurisée sur le sol américain.

Mais c’est en Chine que l’avancement est le plus marqué.

Parmi les présentateurs était Hongjie Xu, directeur à l’Institut de Physique Appliquée de Shanghai (SINAP) du programme TMSR (Thorium Molten Salt Reactor). Xu a présenté une feuille de route qui montre que la Chine a le programme de R&D le plus avancé au monde pour cette technologie. Il a détaillé un plan en plusieurs étapes pour construire des réacteurs de démonstration dans les cinq prochaines années, avec un déploiement commercial autour de 2030. L’Institut prévoit de construire un prototype de réacteur de 10 mégawatts avec un combustible solide, ainsi qu’un réacteur à combustible liquide de 2 mégawatts qui permettra de démontrer le cycle du combustible thorium-uranium, d’ici 2020.

Hongjie Xu à Oak Ridge, le 15 octobre 2015

Hongjie Xu à Oak Ridge, le 15 octobre 2015.

Un site a été retenu pour ces réacteurs à DAFENG (大丰市), à 300km au nord de Shanghai, avec l’accord de la province de Jiangsu et un accord de principe de l’autorité de sécurité nucléaire chinois, le NNSA.

700 ingénieurs nucléaires travaillent sur les réacteurs à sels fondus au SINAP, a dit Xu, un nombre qui dépasse de loin les autres programmes de recherche de réacteurs avancés à travers le monde. La recherche est financée jusqu’en 2017, dit-il; au-delà de cette date l’Institut est à la recherche de nouveaux fonds du gouvernement central, du gouvernement de Shanghai, et du secteur privé. SINAP a signé récemment un accord avec le groupe Fangda, un conglomérat chinois de grande envergure qui fabrique des produits de carbone, fer et acier, et des produits chimiques, pour aider à développer les liquides de refroidissement à sels fondus pour les réacteurs.

« Je suis très confiant » que SINAP sera en mesure de porter son programme de réacteurs à sels fondus jusqu’à la commercialisation, dit Xu. « Parce que, en général, le gouvernement chinois a l’intention de soutenir le développement des futures technologies pour l’énergie nucléaire. Et le marché chinois est très grand pour ces technologies ».

Cet atelier a été jugé tellement utile par les participants qu’il pourrait devenir un événement annuel à Oak Ridge. Vivement les 51 ans du MSRE !

Voir aussi :

  • Photos historiques du réacteur expérimental à sels fondus
  • Brochure sur le réacteur experimental à sels fondus
  • Article ORNL sur l’atelier d’anniversaire de 50 ans du réacteur MSRE

Certains textes de cet article ont été traduits de celui de Richard Martin, publié sur le site internet du MIT Technology Review.